« Où on va, papa ? » de Jean-Louis Fournier

Publié le par Reveline

couv31572188149 pages, Editions Le Livre de Poche, (2010)

Plaisir de lecture 51784111 p

Présentation de l'éditeur

Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons.
Pourquoi ? J'avais honte ? Peur qu'on me plaigne ? ! Ou cela un peu mélangé. Je crois, surtout, que c'était pour échapper à la question terrible : Qu'est-ce qu'ils font ? Aujourd'hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable, j'ai décidé de leur écrire un livre. Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité.
Peut-être pour dire mes remords. Je n'ai pas été un très bon père. Souvent, je ne les supportais pas. Avec eux, il fallait une patience d'ange, et je ne suis pas un ange. Grâce à eux, j'ai eu des avantages sur les parents d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait : rien.
Et surtout, pendant de nombreuses années, j'ai bénéficié d'une vignette automobile gratuite. Grâce à eux, j'ai pu rouler dans des grosses voitures américaines.

 

Mon Avis

 

Sur un sujet qui me touche intimement, le handicap, cette lettre ouverte d'un père à ses fils souffrants de retards physiques et mentaux ruisselle de sourires et d'émotions diverses.


L'auteur évite habilement la complaisance et se livre sans fards, avouant avoir songé à jeter son fils nourrisson par la fenêtre ou son envie de perdre ses enfants dans la foule lors d'un moment de ras-le-bol.

Il appuie là où ça fait mal, provoque le lecteur par la crudité de ses propos, le mettant volontairement mal à l'aise pour mieux lui ouvrir les yeux et lui montrer la réalité d'une vie de parents d'enfants handicapés. Le cynisme de Fournier n’est qu’une des politesses du désespoir, un paravent contre la folie. Une des armes de l’auteur pour lutter contre l’incompréhension des autres.


Fournier ne se donne jamais le beau rôle, il procède à son autocritique, analyse ses manquements et ses erreurs, ce qui suscite l’empathie chez le lecteur.

 

Les courts chapitres qui constituent le roman se lisent d’un souffle, la gorge nouée, les larmes aux yeux. Le style est volontairement simple et familier :


« Il ne faut pas croire que la mort d’un enfant handicapé est moins triste. C’est aussi triste que la mort d’un enfant normal.

Elle est terrible la mort de celui qui n’a jamais été heureux, celui qui est venu faire un petit tour sur Terre seulement pour souffrir.

De celui-là, on a du mal à garder le souvenir d’un sourire ». (Chapitre 53).


Mais au détour d’une déception, d’un instant tragique, émergent de véritables ilots de poésie tantôt émouvante tantôt absurde sur cette mer déchainée de tristesse et de renoncement :


« Maintenant Mathieu est parti chercher son ballon tout seul. Il l’a jeté trop loin. Dans un endroit où on ne pourra plus l’aider à le récupérer… » (Chapitre 12).

« Une opération sur la colonne vertébrale doit être tentée.

Elle est tentée, il est totalement redressé.

Trois jours plus tard, il meurt droit.

Finalement, l’opération qui devait lui permettre de voir le ciel a réussi ». (Chapitre 51).


Le roman de Fournier remet bien des choses en perspective aux yeux des gens valides, célébrant ces petits bonheurs simples de la vie qu’on a trop tendance à oublier, nous qui passons notre existence à nous plaindre pour des billevesées :


« J’espère quand même que, mises bout à bout, toutes leurs petites joies, Snoopy, un bain tiède, la caresse d’un chat, un rayon de soleil, un ballon, une promenade à Carrefour, les sourires des autres, les petites voitures, les frites… auront rendu le séjour supportable ». (Chapitre 75).


Une lecture difficile à l'insolence salutaire qui provoque une réflexion nécessaire et décomplexée chez son lecteur. Merci Jean-Louis Fournier pour cette leçon de vie et de relativisme.

   

L’auteur

 

Jean-Louis Fournier est l auteur de nombreux succès depuis 1992 (Grammaire française et impertinente), Il a jamais tué personne mon papa (1999), Les mots des riches, les mots des pauvres (2004), Mon dernier cheveu noir (2006). Autant de livres où il a pu s entraîner à exercer son humour noir et tendre. Où on va, papa est peut-être son livre le plus désespérément drôle.

logo-fournierLecture effectuée dans le cadre du RDV  « Découvrons un auteur chez Pimprenelle » du mois d’avril. 

    

Publié dans Découvrons un auteur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
<br /> <br /> Tous les mots que tu as utilisés pour écrire cet article sont ceux qui reflètent exactement mon ressenti à cette lecture ; les larmes aux yeux, l'insolence salutaire,.. Ton article est vraiment<br /> top ; j'aurais dû faire un copié/collé mais il semblerait qu'on n'ait pas le droit!! <br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> <br /> Je vais demander des droits d'auteurs alors <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> <br /> je suis restée très marquée par ce livre que j'ai lu à sa sortie et qui m'a fait découvrir l'auteur que j'ai aussi apprécié sur d'autres titres!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> <br /> C'est une lecture marquante. Je vais continuer ma découverte de l'auteur c'est certain !<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> <br /> Plaisir de lecture partagé également!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> <br /> J'en suis ravie ! La lecture est un beau partage. <br /> <br /> <br /> <br />
P
<br /> <br /> Un livre très touchant en effet. Une grande souffrance se cache derrière toute cette dérision. Merci pour ton billet!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
R
<br /> <br /> Merci à toi Pimprenelle pour m'avoir fait découvrir cet auteur !<br /> <br /> <br /> <br />