[LC] « Sans parler du chien » de Connie Willis

Au XXIe siècle, le professeur Dunworthy dirige une équipe d'historiens qui utilisent des transmetteurs temporels pour aller assister aux événements qui ont modifié l'avenir de l'humanité. Ned Henry est l'un d'eux. Dans le cadre d'un projet de reconstruction de la cathédrale de Coventry, il doit effectuer d'incessantes navettes vers le passé pour récolter un maximum d'informations sur cet édifice détruit par un raid aérien nazi en 1940. Toutefois, quand Dunworthy lui propose d'aller se reposer dans l'Angleterre de la fin du XIXe siècle, ce havre de tranquillité où rien n'est plus épuisant que de canoter sur la Tamise et de jouer au croquet, c'est avec empressement qu'il accepte. Mais Henry n'a pas entendu le professeur préciser qu'il devra en profiter pour corriger un paradoxe temporel provoqué par une de ses collègues qui a sauvé un chat de la noyade en 1988... et l'a ramené par inadvertance avec elle dans le futur. Et quand ce matou voyageur rencontre un chien victorien, cette incongruité spatio-temporelle pourrait bien remettre en cause... la survie de l'humanité !
Mon Avis
Ce roman est constitué de charmantes saynètes qui s’enchaînent, tour à tour drôles, piquantes ou absurdes, mais toujours très animées, ça gesticule, ça parle fort. Epoque victorienne et futur se télescopent jusqu’à en donner le tournis au lecteur. Les personnages sont hauts en fadaises et excentriques à souhait. Ned Henry est un héros décontracté et drôle. Verity est charmante.
Leurs acolytes répondent en tout points aux archétypes de l’époque victorienne, du majordome au vicaire en passant par la spirite et les jeunes filles de bonne famille écervelées et superficielles.
Si le délicat jeu de séduction entre Ned et Verity m’a beaucoup charmé, au final, ce sont les animaux qui se taillent la part du lion ici, chien, chat, cygne, poissons. J’ai notamment adoré Cyril et la princesse Arjumand, deuxième couple vedette du roman après notre délicieux duo Ned/Verity.
L’humour, telle une subtile citronnade de saveurs entre non-sens et sarcasmes est rafraichissant et les dialogues sont des jabots de dentelle. Rien à redire donc sur la plume de Connie Willis, fluide, enjouée et malicieuse, s’attardant avec délices sur les détails et les usages de l’époque victorienne.
Tarabiscotée, l’intrigue fait la part belle à la mise en abyme notamment en jouant avec le roman Trois hommes dans un bateau (sans oublier le chien) de Jerome. K. Jerome auquel il emprunte son titre. Hélas, le scénario tourne un peu en rond ce qui occasionne des longueurs. Pourtant, le principe de la distorsion temporelle qui sous-tend toute l’intrigue est intéressant.
L’hermétisme de certaines références historiques ou littéraires gâche un peu ces aventures burlesques bien qu’un peu répétitives, sortes de parodies totalement déchainées des romans sentimentaux et gothiques anglais très en vogue au dix-neuvième siècle.
La première moitié du roman est redondante et ennuie un peu (quand vont-ils quitter leurs canots voguant sur la Tamise se demande-t-on ?) tandis que la seconde partie du livre est beaucoup plus dynamique et plaisante. Néanmoins, le roman à mon sens, aurait gagné à être plus court. Le lecteur décroche un peu dans les cent dernières pages.
Ce roman est définitivement un grand et délicieux n’importe quoi, parent proche de Thursday Next. Et s’il exige des connaissances culturelles assez pointues, le lecteur verra ses efforts d’attention récompensés par une originalité de ton et une loufoquerie savoureuses.