[LC] « Le jeu de l’ange » de Carlos Ruiz Zafon
Editions Pocket, 2010, 672 pages
Temps de lecture :3 jours et demi
Plaisir de lecture
Barcelone, années 1920. David Martin, dix-sept ans, travaille au journal La Voz de la Industria. Son existence bascule un soir de crise au journal : il faut trouver de toute urgence un remplaçant au feuilletoniste dominical. Sur les conseils de Pedro Vidal, chroniqueur à ses heures, David est choisi. Son feuilleton rencontre un immense succès et, pour la première fois, David est payé pour ce qu'il aime le plus au monde : écrire.
En plein succès, David accepte l'offre de deux éditeurs peu scrupuleux : produire à un rythme effréné des feuilletons sous pseudonyme. Mais après quelques années, à bout de force, David va renoncer. Ses éditeurs lui accordent alors neuf mois pour écrire son propre roman. Celui-ci, boudé par la critique et sabordé par les éditeurs, est un échec. David est d'autant plus désespéré que la jeune fille dont il est amoureux depuis toujours - et à laquelle le livre est secrètement dédié - va épouser Pedro Vidal.
Son ami libraire, Sempere, choisit ce moment pour l'emmener au Cimetière des livres oubliés, où David dépose le sien. Puis arrive une offre extraordinaire : un éditeur parisien, Corelli, lui propose, moyennant cent mille francs, une fortune, de créer une texte fondateur, sorte de nouvelle Bible, « une histoire pour laquelle les hommes seraient capables de vivre et de mourir, de tuer et d'être tués, d'offrir leur âme ».
Du jour où il accepte ce contrat, une étrange mécanique du meurtre se met en place autour de David. En vendant sa liberté d'écrivain, aurait-il vendu son âme au diable ? Épouvanté et fasciné, David se lance dans une enquête sur ce curieux éditeur, dont les pouvoirs semblent transcender le temps et l'espace.
« Le Jeu de l’Ange » possède une trame assez semblable à celle de « L’Ombre du vent ». Utilisant des éléments de l’intrigue, de l’imagerie, et certains personnages comme les Sempere, père et fils, que nous retrouverons plus tard. C’est que « Le Jeu de l’Ange » se déroule quelques années avant « L’Ombre du vent » et entretient de fait avec ce dernier quelques ramifications romanesques constituant une sorte d’antichambre aux événements à venir.
A l’instar de ce dernier et à l’inverse de « Marina », dans « Le Jeu de l’Ange », le fantastique jaillit adroitement de la réalité et du quotidien, créant une atmosphère sombre et faustienne typiquement « Zafoniene ». On y retrouve ce style baroque un rien surchargé tendance gothique qui est la marque de fabrique de l’auteur espagnol. Sa grammaire de pierres tombales, sa syntaxe de vieilles demeures abandonnées au temps, ses conjugaisons de pluie, d’orage et de ciel gris, tout aussi présentes dans « L’Ombre du vent » et « Marina ».
Néanmoins si « L’Ombre du vent » avait été un véritable coup de cœur pour moi, il n’en fut pas de même pour « Le Jeu de l’Ange, qui, bien que meilleur que « Marina », est loin de posséder l’intensité dramatique et émotionnelle ainsi que l’ampleur romanesque de « L’Ombre du vent ». Pis, il est alourdi par des longueurs et des discours théologiques inintéressants qui m’ont fait énormément bailler. Sans compter, que les personnages ne sont guère sympathiques ou attachants à l’exception des Sempere et d’Isabella, touchante et piquante.
Les cent dernières pages parviennent à instaurer un climat de mystère et de tension qui captive. La fin du roman est réussie, sorte de mise en abyme onirique d’un roman dans le roman, même si toutes nos questions ne trouvent pas une réponse, l’auteur laisse la conclusion du roman soumise à l’interprétation de chacun.
En conclusion, s’il est moins prenant, puissant et émouvant que « L’ Ombre du vent » (qui avait placé la barre très haut), « Le Jeu de l’Ange » reste un bon roman dont l’un des principaux défauts et de ne pas réussir à se transcender ni à se démarquer des autres œuvres de l’auteur espagnol. La faute aussi à Zafon qui recycle à chaque fois les mêmes ingrédients, lieux voire personnages dans chacun de ses romans et qui semble ne pas parvenir à se renouveler.
Allons vite voir l'avis de Mia.
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