« Invisible » de Paul Auster
293 pages, Actes Sud (3 mars 2010)
Plaisir de lecture
Résumé
Trois décennies après les événements, James Freeman, un écrivain américain renommé, raconte l'histoire dont l'a fait dépositaire un ancien condisciple, Adam Walker, du temps où tous deux étaient étudiants à Columbia University. De New York à Paris, ce roman de formation déroule, outre l'histoire d'Adam, un jeune Américain idéaliste dont la vie s'est trouvée bouleversée par la rencontre d'un personnage fascinant et ambigu, Rudolf Born, celle de quelques personnages qui, malgré le passage du temps, subissent toujours l'étrange et périlleux ascendant d'une figure maléfique.
Lu dans le cadre d'une lecture commune avec Marion
et dans le cadre du challenge "100 ans de littérature américaine" organisé également par Marion
Mon Avis
Scabreux et assez prévisible, le dernier roman de Paul Auster vaut surtout pour sa recherche permanente sur la déconstruction narrative.
Tout au long du roman, Auster travaille à sa déconstruction. Utilisant une narration en forme de patchwork entre je, tu et il et la mise en abîme, il interroge l'oeuvre dans l'oeuvre.
L'intrigue semble ainsi prétexte à des manipulations expérimentales sur les structures narratives du roman traditionnel. Ce qui explique peut-être qu'elle soit plutôt quelconque.
Malgré le style plaisant de l'écrivain et l'intérêt de la démonstration offerte, ce roman ne m'a pas séduit outre mesure. J'étais contente (et soulagée) d'arriver à la fin (fin abrupte et décevante du reste).
Le climat délétère voire malsain du roman et la personnalité trouble et troublante des personnages m'ont mis mal à l'aise. Je pense que le roman aurait gagné à être moins sexué et surtout moins explicite sur les relations entretenues par les personnages.
Brassant des thèmes comme la mémoire, la nostalgie, la conscience, Paul Auster nous offre un roman très mélancolique ainsi qu'une réflexion sur l'écriture.
Démontrant assez brillamment du reste, que duperie et manipulation sont les armes dont usent tous les écrivains du monde et que leurs victimes (consentantes) sont toujours et encore les lecteurs.
Parfois brillant mais vain hélas.
Néanmoins, je poursuivrais ma découverte de l'auteur de Mr. Vertigo en m'attelant à la lecture de ses précédents ouvrages car même si Invisible m'a fait l'effet d'un coup de plume dans l'eau, j'ai entr'aperçu les étincelles de l'intelligence, de la maîtrise et du talent de Paul Auster sous l'apparente vacuité de son propos.
Morceaux choisis
C'est précisément ce que tu es : impossible. A l'instant où le mot jaillit de la bouche de ta soeur, tu regrettes ta blague obscène et débile, et pendant le reste de la soirée et une bonne partie du lendemain le mot reste collé à toit comme une malédiction, comme une impitoyable condamnation de celui et de ce que tu es. Oui, tu es impossible. Tu est impossible, et ta vie aussi, et tu te demandes comme diable tu es parvenu à te fourrer dans un tel cul-de-sac de désespoir et de haine de toi. Born est-il seul responsable de ce qui t'est arrivé? Un manque de courage unique et momentané peut-il avoir brisé ta confiance en toi au point que tu n'aies plus foi en ton avenir ? Il y a quelques mois à peine, ton génie allait bouter le feu au monde et aujourd' hui tu te considères comme stupide, inepte, une crétinerie d'automate masturbateur enfermé dans l'atmosphère délétère d'un job odieux, une nullité. S'il n'y avait pas Gwyn, tu pourrais penser à te faire admettre dans un hôpital. Elle est la seule personne à qui tu peux parler, la seule personne qui te donne l'impression que tu es vivant. (Invisible, Paul Auster, chap. Eté, p. 129).
L'auteur
Figure centrale de la scène culturelle new-yorkaise, Paul Auster commence à écrire des l'âge de 13 ans pour s'imposer vingt ans plus tard comme une référence de la littérature postmoderne. Diplômé en arts, il se rend à Paris dans les années 1970 où il se plonge dans la littérature européenne et gagne sa vie en traduisant Sartre, Simenon ou Mallarmé. Cette expérience aura une influence considérable sur l'oeuvre du jeune écrivain parfois qualifié de 'plus français des écrivains américains'. Son premier ouvrage majeur est une autobiographie, 'L' Invention de la solitude', écrite aussitôt après la mort de son père. Devenu célèbre grâce à la fameuse 'Trilogie américaine' et au roman 'Moon Palace', l'écrivain y déploie ses thèmes de prédilection : le rapport entre fiction et réalité, la solitude, ou encore la quête d'identité. Auster écrit également pour le cinéma : on lui doit par exemple l'écriture du scénario de 'Smoke' en 1995 et la réalisation d'un film en 2006, adaptation de son roman 'La Vie intérieure de Martin Frost'. Ecrivain aux influences multiples, juives, européennes et bien sûr américaines, Paul Auster a su conquérir le monde entier par son oeuvre dense et profonde et sa perpétuelle remise en question des ressorts de la fiction.
A présent allons voir ce que Marion en a pensé !