Follett, Ken - Les Piliers de la terre
Follett, Ken - Les Piliers de la terre
Plaisir de lecture
Peu accrocheuses voire laborieuses, les trois cent premières pages de ce pavé de mille pages racontant la construction de la cathédrale de Kingsbridge (le sujet peu usité dans la littérature est un des aspects séduisants du roman) et des héros ordinaires gravitant autour de cette édification, cédent vite place à une intrigue très plaisante. Saga épique véhiculant des valeurs intemporelles et jouant sur toute la gamme des sentiments humains allant de l'amour à la haine en passant par la vengeance et la rédemption et écrite comme d'autres ont peint des fresques, Les piliers de la terre à l'excellente idée d'être une saga familiale courant sur plusieurs générations ce qui permet de s'attacher davantage aux protagonistes. Hélas ces derniers sont assez caricaturaux et manquent quelque peu de profondeur. Néanmoins, aussi stéréotypés soient-ils, les personnages sont puissamment dépeints, suffisamment pour emporter le lecteur sur le long et tortueux chemin de leurs difficiles existences. Ce roman offre notamment de beaux portraits de femmes fortes luttant pour être libres et indépendantes dans un monde dévolu aux hommes : Alièna, Ellen...
Le roman est également un peu trop manichéen à mon goût, les gentils d'un côté et les méchants de l'autre. Ce manque de nuance dans l'élaboration des caractères des héros ou des salauds est également préjudiciable à la profondeur du roman. Même si les méchants en question sont très réussis notamment l'ignoble William Hamleigh et son sinistre acolyte Walter. Sans oublier le reste de la famille Hamleigh, l'évêque Waleran, homme d'église machiavélique, arriviste et comploteur, prêt à tout pour parvenir à ses tristes fins.
Si les allers-retours incessants entre les divers lieux de l'intrigue sont déstabilisant au départ, de même que le passage parfois accéléré des années, le lecteur s'en accommode très vite et parvient ensuite à se repérer sans mal. Le nombre des personnages est assez élevé et pourra également perturber la lecture de prime abord mais l'égarement du lecteur est passager. Bien vite, les noms et fonctions de chacun sont assimilés et ne ralentisse plus la lecture.
La reconstitution historique, la captation des effluves sauvages et sanglants du moyen-âge ainsi que la dénonciation des travers scandaleux et des machinations infâmes de l'église et de ses hauts dignitaires sont les plus grandes réussites de ce roman-fleuve de Follett. L'émotion naît du fait que les petites histoires de chacun s'entremêlent à la Grande Histoire de d'Angleterre. Les Piliers de la terre est un roman intéressant sans être passionnant ou renversant d'originalité. Sa qualité tient dans le travail de recherche et de documentation de l'auteur qui s'est attaché à restituer l'atmosphère et les moeurs de l'époque avec un maximum de détails et de précisions. Le grand point positif de l'oeuvre est qu'elle gagne en intensité à mesure qu'elle avance avant de prendre un élan romanesque inattendu dans les trois cent dernières pages. Ce qui tranche considérablement avec la platitude des premiers chapitres où l'auteur prend son temps pour poser le contexte et définir les personnages principaux de l'intrigue. Certes la fin parait facile dans le genre happy end et un peu moralisatrice, cependant elle est réconfortante pour le lecteur qui n'en attendait pas moins pour les personnages auxquels il s'est fortement attaché et aux côtés desquels il a vécu tant d'épreuves !
Le gros défaut du roman, outre son manichéisme exacerbé, semble être de partir un peu dans tous les sens. Pas assez condensée, l'histoire, sous couvert d'exactitude historique, s'enlise dans les détails, notamment en ce qui concerne les ennuyeuses questions de succession royale et nobiliaire, l'exposition des stratégies militaires ou bien encore toutes les descriptions architecturales et topographiques des cathédrales et des églises de l'époque qui alourdissent beaucoup le roman. L'histoire s'éparpille et le lecteur s'ennuie parfois. C'est en cela que l'adaptation télévisée est meilleure même si elle est très réadaptée, voire trop tronquée.
Au final, aussi laborieux que furent les débuts de ma lecture, j'ai quand même apprécié ce roman-fleuve qui sait se faire mériter pour mieux se faire apprécier et doit s'enrichir de sens à chaque nouvelle lecture. A relire donc dans quelques années.